Tuer le fils by Séverac Benoît

Tuer le fils by Séverac Benoît

Auteur:Séverac, Benoît [Séverac, Benoît]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
Éditeur: la manufacture de livres
Publié: 2019-12-17T18:24:57+00:00


Chapitre 24

Sur le trajet du retour, Cérisol poursuivit pour Sylvia la lecture à voix haute du cahier de Matthieu Fabas. D’une voix rendue pâteuse par l’alcool ingurgité au cours de la soirée, il la continua au lit quand ils furent chez eux.

Sylvia était à la fois admirative du style, impressionnée par la profondeur de certaines réflexions, et effrayée par ce qui se dégageait des propos du fils torturé de Patrick Fabas.

– Tant de noirceur, tant de douleur… Ces pages sont des déclarations d’amour et de haine à la fois.

– Tu es d’accord avec moi : ce type est complètement malade.

– En tout cas, il est aussi victime que coupable du crime qu’il a commis, si tu veux mon avis.

– Tu ne vas pas remettre ça.

– Quoi, ça ?

– Le déterminisme social et tutti quanti. Je regrette, mais on n’est pas obligé de devenir bourreau sous prétexte qu’on a été victime. On ne choisit pas tous cette voie.

– Je connais tes théories sur le libre arbitre.

Cérisol était toujours un peu véhément quand il avait bu mais même en temps normal, les deux époux étaient en désaccord sur ce sujet. Être femme de flic ne signifiait pas adhérer sans nuances à l’idée que son mari se faisait du bien et du mal, surtout après vingt-deux ans de carrière. C’était un des rares sujets de discorde dans le couple, outre celui, complètement tabou, de l’enfant qu’il aurait voulu et qu’elle avait refusé de porter.

Le métier de Cérisol l’avait changé, et cela aussi les éloignait. Malgré son indiscutable générosité, lui ne croisait que la lie de l’humanité. Son travail consistait à y plonger les mains jusqu’aux coudes, tous les jours. Lorsqu’ils se disputaient, Sylvia refusait de lui laisser affirmer qu’il était davantage en contact avec la réalité que le reste de ses congénères. Elle lui rétorquait qu’il était certes en prise avec une facette de la société que la plupart des gens ne voulaient pas voir, mais que lui non plus ne voulait pas, ou ne pouvait plus, en voir d’autre.

Dans sa vie de kinésithérapeute aveugle, Sylvia rencontrait et travaillait au quotidien avec des gens merveilleux. Merveilleux envers elle, merveilleux envers eux-mêmes. Des gens qui se battaient contre des saloperies, et qui tiraient de leur handicap des leçons de générosité et d’abnégation.

Ils n’avaient pas ce genre de discussions, au début. Cérisol se voyait alors en chevalier blanc luttant contre les forces du mal grâce à sa droiture, son insigne et son pistolet.

Alors qu’il avançait de déception en déception, il s’était consolé en ingurgitant des quantités croissantes de confiture et avait trouvé refuge dans la chanson française, expression immuable d’un paradis bien réel, mais perdu.

Sylvia, au contraire, au fur et à mesure que sa cécité progressait, s’était convaincue que le salut était dans l’amour de son prochain. Pas dans un sens mystique, mais de façon très pratique. Elle avait multiplié les participations à des groupes d’entraide, était devenue membre d’associations caritatives dans à peu près tous les domaines. Elle payait son tribut envers la société et les plus démunis avant de devenir complètement dépendante de la solidarité d’autrui.



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